Wukoba

Dès ma naissance on me confia à une modeste famille de marchands nomades des terres du sud . Je fus accueillie par mes parents adoptifs au même titre que mes frères et sœurs légitimes.
Nous traversions les régions du sud de Tanaris lorsque notre caravane fut attaquée par des brigands. Tous les miens, ma famille, tous, périrent. Laissée pour morte, je fus recueillie par Shaïda, un vieux guerrier solitaire à la peau sombre et aux traits creusés par le soleil et le sel de ces rivages lointains. Je n’avais que 10 ans…
Shaïda m’éleva comme un père, il me transmit son amour des plantes et m’initia au secret de l’herboristerie. Il m’enseigna également son art du combat. Animée par la rage et ma soif de vengeance je devins vite une disciple talentueuse.
Traversant le monde, louant nos services afin de contrer l’injustice et le mal, je ne trouvais de satisfaction que dans le fracas des combats et la rage qu’ils me procuraient…. un seuil proche de la folie!


Alors que nous avions traversé grand nombre de territoires en Kalimdor, Shaïda décida que nous devions partir pour les royaumes de l’Est. J’étais à l’époque trop jeune pour comprendre ses motivations et je le suivais aveuglément. À mon sens toutes ses décisions étaient justifiées (et elles l’étaient en général ^^).
Hélas, pris dans une violente tempête notre navire dériva et s’échoua sur les cotes de Tirisfal, en plein territoire ennemi. Nous décidâmes de rejoindre Austrivage en traversant la forêt des pins argentés. Epuisés, nous établîmes notre camp alors que les flèches de Fossoyeuse se dessinaient dans la nuit encre.

Tandis que je lançais des brindilles dans le feu comme pour amuser les flammes, Shaïda scrutait le ciel en tirant lentement quelques bouffées de sa pipe, sculptée de motifs chamaniques. Il composait lui-même son mélange d’herbes dont jamais il ne me laissa goûter ni ne me révéla le secret de sa composition. Chaque fois il me rétorquait en souriant : «  Une même terre pour la fougue et la méditation mais deux nourritures pour grandir! »…
Il prétendait que ses herbes lui conféraient des pouvoirs de prescience, annonçant le passé et l’avenir, d’ordinaires ou d’inouïes, jusqu’à ce que ses fumées vertueuses le plongent dans un profond sommeil. Même si ses prémonitions se révélaient parfois exactes, je n’ai jamais pu toutes les vérifier et j’ai longtemps considéré que son don était purement le fruit de son imagination, l’issue des évènements s’avérant tantôt évidente tantôt voilée. Pourtant ce soir-là il me révéla l’existence de ma sœur jumelle.
Une sœur à la chevelure argentée….Puis comme à son habitude il sombra dans un profond sommeil, me laissant songeuse aux révélations que je venais d’entendre.

Le lendemain nous reprîmes la route. Après plusieurs jours de marche, alors que nous arrivions à la hauteur d’Hautebrande des cris attirèrent mon attention. Avant que mon maître n’ait eu le temps de me retenir, je me précipitais vers le village, découvrant l’horreur: des paysans gisaient dans les champs et un groupe de guerriers orcs se dirigeaient vers le centre du village, abattant tous ceux qui avaient le malheur de se trouver sur leur passage. Vociférant, mutilant leurs victimes, ils brandissaient les têtes en guise de trophée. Hurlant ma rage, je me jetai sur les assaillants repoussant leurs assauts à renfort de coups de bottes et de genoux, mes lames fendant l’air autour de moi, orchestraient un sanglant balai, laissant s’abattre autour d’elles les corps inanimés de ces monstres.
Ce n’est qu’une fois tous mes adversaires à terre que je réalisai que mon maître était blessé, un cimeterre lui avait profondément entaillé le flanc droit. Lui appliquant rapidement des bandages, je m’employais ensuite à secourir la population. Quelques heures encore après la tombée de la nuit, les plaintes emplies de pleurs s’élevaient avant de sombrer à leur tour dans l’oubli.

Une fois Shaïda rétabli, nous reprîmes la route. Alors que le soleil se couchait, les cris des oiseaux de mer et le grondement grandissant des vagues s’abattant sur les falaises annonçaient notre arrivée à Austrivage.
Le lendemain alors que je préparais notre paquetage pour reprendre la route je vis Shaïda s’approcher de moi, vêtu seulement de sa vieille tunique de soie, il n’avait pas endossé sa maille. Il tenait par la bride un magnifique étalon noir.
Je savais ce qu’il allait me dire: «  Wukoba, je suis trop vieux pour continuer , tu n’as plus rien à apprendre de moi si ce n’est la sagesse, mais pour cela inutile de t’accompagner ce serait peine perdue! » dit-il en souriant.
Il me tendit les rennes de la monture :  « Prends soin de toi…ma petite Wukoba… » Je vis subitement ses yeux noirs plissés par des décennies de soleil devenir humides, pour la première fois je vis non plus le guerrier mais un père déchiré par la séparation de son enfant. Il n’en dit pas plus.
Après avoir solidement fixé mon barda , saisissant les rennes, d’une impulsion je me mis en selle. Je jetais un dernier regard stoïque à mon maître, jamais il ne m’avait semblé si vieux… si triste…
Sollicitant un demi tour rapide, la monture se cabra et partit au triple galop.

Les temps qui s’en suivirent furent une succession d’aventures solitaires.

Shaïda…

La noble ligue…

Ma sœur…